Steve Kerr après la défaite de Team USA : "On n'est plus en 1992"

L'Allemagne championne du monde de basket, est-ce vraiment une surprise ? Ce magnifique triomphe obtenu à Manille, en dominant la Serbie (83-77) pour finir invaincue un tournoi que la sélection de Gordie Herbert a contrôlé du début à la fin, est le résultat d'un travail de fond mené sur plusieurs années.

C'est même une suite logique après l'Eurobasket de l'an dernier, où la Mannschaft avait été éliminée en demi-finale en étant pourtant la meilleure équipe du tournoi. Mais pour certains, qui ne regardent que la NBA, la victoire d'une équipe emmenée par Dennis Schröder et Franz Wagner, alors que le Team USA avait aligné une armada avec plusieurs All-Stars, peut sembler incompréhensible.

Pour beaucoup, Américains et Canadiens étaient les favoris pour la médaille d'Or après les premiers matchs. C'est presque une logique purement mathématique : la première équipe compte 12 joueurs qui évoluent en NBA, avec même des leaders de certaines franchises (Anthony Edwards, Paolo Banchero, Tyrese Haliburton, Jalen Brunson, etc.), tandis que l'autre en possède 7, dont Shai Gilgeous-Alexander, nouvelle superstar mondiale. Il y a bien eu dimanche une confrontation entre les deux puissances nord-américaines. Mais, le matin, pour la troisième place et la médaille de Bronze. Une petite finale vendue à la va-vite comme l'affiche ultime pour le titre. Un match remporté en prolongation par Dillon Brooks (39 points) et ses coéquipiers, laissant ainsi les Etats-Unis repartir les mains vides des Philippines.

C'est la deuxième Coupe du Monde de suite ratée par l'équipe à la bannière étoilée. Avec pourtant à chaque fois un effectif 100% NBA. Le Team USA avait déjà été humilié en Chine, en 2019, en sortant dès les quarts de finale, battu par la France (79-89) avant de s'incliner en match de classement contre la Serbie (89-94) pour finir à une très médiocre septième place après avoir battu péniblement la modeste Pologne (87-74). Les joueurs de Steve Kerr – Gregg Popovich quatre ans plus tôt – ont fait un peu mieux en terminant quatrièmes… mais en perdant tout de même 3 rencontres (soit une de plus que la France par exemple).

Alors que ce nouvel échec fait jaser, Evan Turner, ancien joueur des Boston Celtics, des Philadelphia Sixers ou encore des Portland Trail Blazers, a voulu calmer le jeu en rappelant que les conclusions dramatiques ne servaient à rien puisque les Etats-Unis allaient « gagner les Jeux Olympiques » dans un an. C'est effectivement ce qui s'est passé entre les deux campagnes FIBA ratées : une médaille d'Or olympique décrochée à Tokyo en 2021 par Kevin Durant et ses acolytes. Pour les Américains, le problème est très simple (simpliste) : ce ne sont pas les meilleurs joueurs qui sont envoyés à la Coupe du Monde et les superstars prennent le relais pour dominer la planète aux Jeux.

C'est vrai que les principales « locomotives » US manquaient à l'appel. Les Stephen Curry, LeBron James ou KD, pour citer les anciens, ou encore évidemment les Devin Booker, Jayson Tatum et autres Ja Morant. Mais est-ce vraiment la seule donnée à prendre en compte ? Une Team USA menée par Edward, Banchero, Brunson, Haliburton, Brandon Ingram – que des joueurs autour des 20 points par match dans la meilleure ligue du monde – devrait avoir suffisamment d'atouts individuels pour l'emporter. Et c'est peut-être justement là que le bât blesse. Le fait de tout miser sur le talent individuel. Encore et encore. En pensant que ce sera une solution suffisante et que même avec une préparation raccourcie, peu de vécu commun, peu de connaissances du basket international, les sélections NBA continueront de marcher sur tout le monde.

Rudy Gay est un peu plus méfiant que certains de ses compatriotes. Pour lui, résumer la désillusion au roster de Team USA – encore une fois, vraiment pas dégueulasse – est une erreur. « Les autres pays ont des joueurs qui seraient prêts à mourir sur le terrain. Nous, on a des gars qui ont été choisis », fait-il remarquer. Une manière de rappeler que les stars américaines ont parfois tendance à se croire en vacances quand elles ne portent pas le maillot de leur franchise, celle qui les payent des dizaines (centaines) de millions de dollars. L'excuse des absents est particulièrement difficile à avaler. La Serbie est allée en finale sans Nikola Jokic, Milos Teodosic, Boban Marjanovic, Vasilije Micic et bien d'autres encore. La Grèce jouait sans Giannis Antetokounmpo. Le Canada s'est retrouvé sans Jamal Murray, Andrew Wiggins, Bennedict Mathurin, Shaedon Sharpe ou Brandon Clarke ! La France a composé avec le forfait de Victor Wembanyama et la blessure de Frank Ntilikina. Bref. Faut-il d'ailleurs rappeler aux Américains que cette même équipe tricolore, portée par Rudy Gobert et Evan Fournier, est passée très, très, très près de faire tomber les USA aux JO de Tokyo ? Longtemps au contact, les Bleus n'ont perdu que de 5 points (82-87) et il a fallu un excellent Kevin Durant pour que les joueurs de Vincent Collet ne réalisent pas l'exploit. Envoyer la crème de la crème n'est pas l'assurance de gagner, c'est devenu la seule chance de ne pas perdre. Surtout que les stars, elles ne veulent pas toujours venir. Les saisons NBA sont déjà tellement longues, surtout pour ceux qui vont loin en playoffs, dont a priori les meilleurs joueurs.

Passé un certain âge, ils préfèrent se reposer. La venue d'un Stephen Curry ou d'un LeBron James à Paris reste plus un fantasme qu'une vraie possibilité à ce stade. Et peuvent-ils à ce point faire la différence à ce stade de leur carrière ? Ce n'est pas pour rien que les joueurs qui acceptent de venir l'été sont jeunes. Sauf que les jeunes cainris, ils sont de moins en moins forts. Enfin, non. Ils sont tous très doués individuellement. Encore une fois, c'est le mot clé. Mais ils comprennent de moins en moins le basket. Et pas seulement le basket FIBA.

Team USA arrive chaque année avec des joueurs qui n'ont pas de vécu commun et monte une équipe sans vrai principe de jeu autre que de « défendre fort en profitant des qualités athlétiques des joueurs en question » et « courir pour marquer en contre-attaque. » Dès que ça coince, c'est du « hero ball. » Et ça, ça ne marche déjà plus en NBA ! Encore moins sur la scène internationale.

Au final, ils pratiquent un basket qui est à l'image de celui de leur pays. La formation américaine a un vrai problème de fond. Elle crée des talents en pagaille en profitant d'un vivier extraordinaire. Elle ne crée presque plus des basketteurs. Ce n'est sans doute pas une coïncidence si les cinq derniers MVP sont Européens et Africains. L'affiche des dernières finales NBA entre les Denver Nuggets et le Miami Heat...